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La vie m’est photo.
L’appareil photo, je l’interpose entre le monde et moi. Il devient le médiateur et le révélateur. J’ai 11 ans et je décide de devenir photographe.
La nature emplit mon cœur, je commence à la fixer sur pellicule et la donner à voir. Ma grand-mère m’offre ses douceurs de jardin, de cuisine et de mots. En exploratrice, je m’immerge dans ses greniers peuplés d’outils rouillés, d’objets abandonnés, témoins de vies dévouées à la terre. Au fond de la cour, en haut des escaliers, je pousse la porte et retrouve le jardin caché. Des draps rêches et épais claquent aux quatre vents et sa voix claire lance des appels répétés : « Laurence où es-tu ? ». Cet univers tendre je le révèle en noir et blanc, dans un labo improvisé. Mes premières épreuves je les soumets au regard d’un photographe de mode. Intéressé, il me confie : « on peut tout prendre ». Quatre mots qui résonnent comme un déclencheur.
Mes études, je les souhaite tournées vers la photo, le dessin paraît plus noble à mes proches. L’intégration de l’Atelier Met de Penninghen, je l’écourte. J’y fais, cependant, deux rencontres qui m’ouvrent un long chemin créatif. Le « Point Ligne Plan » de Kandinsky et la réflexion d’une prof d’histoire de l’art « Le sens de la composition ne viendrait-il pas aussi du jour où l’homme a cultivé son premier champ ? » Je mets un terme à l’académie et, sac à dos, je repars avec ces dits.
Je me nourris de rencontres, de voyages et choisis de vivre à Paris. Je décroche une succession de missions enrichissantes à la Maison de La Radio et dans la presse audiovisuelle. La disparition de ma grand-mère interpelle mes origines paysannes, si peu investies jusqu’alors. Retour au vert originel, je travaille la terre moi-même, un temps où je m’enivre de ce tableau vivant.
Pétrie d’argile et de limon, nourrie d’espaces et de ciels, consternée devant le soulèvement de strates de vies éprouvantes, esseulée après la mort de ma mère, un élan créatif me pousse à photographier à même le sol. Mon écriture s’affirme. Un premier coup de projecteur lui est donné par l’exposition « Terre des siens » au Centre Iris à Paris en 2006.
2017. Après « Terre des siens », les séries s’enchaînent : « Méca-impressions », « Impressions », « l’Ailleurs », « Mon pays et Paris », « Infiniment Mer », « Terre de mon enfant ». En complément de ce travail au long cours, je développe des projets qui me sont chers : le paysage, le portrait dans le paysage, le portrait intimiste. Ce nouveau champ d’exploration, je l’ouvre et l’enrichis au contact de femmes engagées. Qu’elles soient éditrice-professeur-photographe, journaliste-biographe, ingénieure-paysagiste…leur vision du monde accompagne l’ouverture de mes recherches novatrices. Je franchis un cap. Intensément.
La vie m’est photo. J’y suis arrimée. |